MEGALOPO(O)LFICTIONS » (Frandisco forever)

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Frandisco ou l’accomplissement d’un rêve.

Expérience d’une rêverie urbaine éveillée, qui se déplie sans cesse, Frandisco est un long voyage dans l’espace et dans le temps. Une conquête d’art-chipels (d’art-chapelles?) et un voyage intérieur. Frandisco, sous l’impulsion de son créateur Marcel Schmitz, artiste de la S Grand Atelier, grossit, se transforme et se déforme comme une station planétaire spéciale, comme un véritable château dans le ciel , n’était le pouvoir encore non atteint de planer- ce dont la biographie rêvée se charge en grande partie.

Frandisco est une ville champignon de scotch et de carton, traversée et habitée de figurines de papier mâchées humanoides et animales. Son expansion a des apparences trompeusement foutraques, ses matériaux hybrides de cartons, de posca, de broderies, de collages célèbrent à la fois l’artfusion organique de l’ »everything »et la fascination démiurgique de la reconstitution, et de la réinterprétation, au cœur de toute maquette. Frandisco, réunit l’infiniment familier à l’étrangeté la plus libérée, entre totale impro et total control.

Outre la dimension emblématique de cette expérience humaine affranchie, comme le restituent tous les autres témoignages de presse, cette mise en situation fonctionne presque à l’instar d’une installation de Thomas Hischorn (excepté la dimension participative), à savoir que son temps et son lieu s’articulent comme une vaste abolition des repères (institutionnels entre autres) en lui substituant cette zone utopique, ce domaine possible du libre échange.

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Frandisco réussit à nous transporter dans un récit architectural poétique et protéiforme d’aventures biographiques non loin des gestes picaresques. Rejoignant par là, et par le filtre de la voix et du dessin de son biographe Thierry Van Hasselt, le grand Imaginaire des récits

En 2017, le journal biographique « Vivre à Frandisco »  a reçu une double consécration : en Sélection Officielle au fes tival d’Angoulême, et l’Atomium décerné par la fondation Wallonie-Bruxelles. Compagnon biographe complice depuis le début de leur rencontre à la S Grand Atelier,voici 5 ans, l’auteur-éditeur résistant des Editions FREMOK, Thierry Van Hasselt docu-mente et rêve le rêve qui s’affranchit des perspectives…Parfois il relance la narration à la gasoline de l’occasion, pour toucher, sous le traitement du trait, à l’en deça du décor. Le dessin est aussi un prétexte à un 4 mains, les créatures « expressionnistes » ( pourrait on presque dire ) dessinées par Marcel animant leurs scènes.

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Après son inauguration à la Fondation Vasarely à Aix en Provence, puis Bruxelles (au Brass ou  au musée Art et Marges dernièrement) , Paris et la Galerie Agnés B, exposé à l’incontournable Festival d’Angoulême en 2017, Frandisco se lovait en résidence, grâce au collectionneur d’art brut renommé, Bruno Decharme, non loin du Vercors et ses coteaux dorés au flamboiement du soleil couchant, pendant les dernières vacances de la Toussaint. Car, au creux d’une petit vallée, Hauterive abrite un autre rêve mystique – monde déchainé de moulures et de créatures possédées, ou de pèlerins, bâti des nuits durant par un arpenteur possédé par l’Idée-monde totalisante et édifiante.

Edifié à l’heure où l’on découvrait simultanément les ruines d’Angkor,  où les surréalistes convoquaient les hallucinations, où la modernité épousait les méandres organiques de la Sagrada Familia (dont l’édification commence en 1882 ), voici le Palais fantastique du Facteur Cheval, façonné et moulé aux sources des panthéons démiurgiques les plus disparates,  bâtiment irrigué par des mythologies contemporaines,  simultanément soutenu  en filigrane par des héros séculaires et dévoré de saynettes tantôt religieuses tantôt fantasmatiques.

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Quand un rêveur superlatif, plonge dans le rêve architectural d’un autre allumé céleste.

A mon passage furtif, la structure initiale occupe déjà un quartier entier de la cité actuelle, comme une plateforme de l’espace, que Thierry fait transporter sur le dos de Marcel.. La Maison et le monde, toujours…la terrasse médiane où très vite, les statues monumentales se convertissent en gardiens monstres, le temple s’ornemente d’arabesques de marqueurs et de scotches colorés. Thierry, lui observe, ou crée des situations et inv/cite Marcel à poser au milieu de son univers. Postures contemplatives ou exploration nocturne aux chandelles. En parallèle, le rythme de la résidence ondule au gré des visites guidées, protocole initiatique où Thierry Van Hasselt guide les visiteurs inside Frandisco (et surtout inside Marcel) en révélant avec une certaine truculence les secrets des édifices et de l’urbanisme fonctionnel où la circulation – liquide- fait se fusionner plaisir , rituels quotidiens, et prière. Certains bâtiments font presqu’un clin d’oeil à l’univers ludique multifonctionnel de Jacques Tati. La logique de Marcel nous tai penser au « testament de M Pump’. Ainsi du tunnel relie ainsi une piscine à l’église, La ville est un immense opérateur magique et réversible de conversion, à la fois à la mesure des signes du quotidien de Marcel, et de la collection exponentielle de monuments architecturaux..Où chaque personnage, travesti par un uniforme, joue au carrefour du repère social et de sa dérision, dans un rythme casi fellinien.

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Pour la suite du voyage, Marcel rêve depuis toujours de New york , Thierry rêve encore de cette enclave danoise, Kristiana bohême affranchie du consumérisme, en plein coeur de Copenhague, A quand Frandisco et le temple de Meenakshi à Madurai, ou les tours Nuages de Nanterre avec ses yeux-hublots ?

Et tandis qu’une équipe de tournage belge achève le montage d’une docufiction ,produite par la boite de production historique Zorobabel, autour de cette « île fantastique », Frandisco reloaded avec le nouveau Palais du Facteur Cheval atterrira en mai 2018 à Rennes, tandis qu’en mars 2018 sort une seconde édition AUGMENTEE de Vivre à Frandisco, enrichie d’une vingtaine de pages de notes, une biographie historique voire des chansons de Marcel.

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MODIFICATION(s), modes d’emploi (Tennis de cible)

A propos de l’exposition de Laurence Lagier au Studio Fotokino (Marseille) Aout 2017 

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Laurence Lagier a fait irruption dans mon champs de vision au carrefour de deux circonstances: un livre très intrigant et appétissant à 4 mains avec Aurélien Débat,  joliment minimaliste »*(je vous renvoie à l’excellent opuscule sur le sujet concocté par Jochen Gerner et Christian Rosset)  La Cuisine Moléculaire où l’abstraction graphique tend de façon ludique à l’idée et au plaisir du goût. Seconde manche: un focus organisé par le dernier Salon Fanzines sur le site de Villette Makerz (à la Villette) qui faisait la part belle à des compositions abstraites géométriques, dont les directions multiples tenaient à la fois de plans et de détails architecturaux, de canevas textiles abstraits, de planches de bd. A force d’angles de prises de vue, l’ensemble devenait une narration combinatoire prismatique stimulant l’imaginaire, ensemble de petits territoires sismographiques marqués de ruptures, de lignes de fuite. Les espaces urbains ainsi que les recherches abstraites graphiques privilégiant perspectives et ruban adhésif colorés, créaient ainsi de nouvelles topographies rythmées comme autant de messages à décrypter,

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Ce n’est pas la première collaboration entre Laurence Lagier et le studio Fotokino qui en 2012 proposait ses recherches graphiques diffractées autour des figures de la répétition inspirées par ses différents voyages (notamment au Mexique). Déjà, la musicalité rythmique se dégageait de ces motifs géométriques estampillés de façon syncopée..

Pour cet été 2017, Fotokino  lui proposait en résidence son « lieu ordinaire », où disséminer les indices modulaires d’un parcours géant, d’un chantier avec ses aires de jeux multifonctions entre récréation sportive et installation d’art. Le ton était donné en levant les yeux .

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Quoi de plus polysémique qu’un décor de table le ping-pong, livre ouvert comme une scène, comme une vision de Philémon, carrefour du vertical et de l’horizontal, rencontre du roulement et du rebond, des rapports chromatiques et formels. Comme on choisit un plan de table de buffet, ou un jeu de construction où toutes les pièces chutes comprises construisent non seulement un paysage ouvert mais surtout un infini pour soi disponible pour tous, Ici, une rade portuaire, là, une rampe de décollage, là un circuit pour sucres, Infiniment dynamique, infiniment plastique.

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Le volume et l’espace comme une scénographie des séries de dessins aux inclinations mi parrondiennes pour l’humour délicat, et les échos des recherches d’un Alexis Beauclair pour la sériation.

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Que ce soit sur le plan de la chromie comme des ustensiles, Laurence Lagier a investi l’endroit telle une salle de sport de gymnastique métamorphosée en laboratoire de déconstructions où chaque thématique- objet se trouvait disséqué et proposée en examen.

Aux séries de dessins, l’écho plasticien de plusieurs installations ludiques , espaces s de situations, entre décor et proposition de parcours gymnique décalé. Le visiteur se sent simultanément subjugué et attiré par cet hétéroclisme insulaire jubilatoire.

Les fruits de cette résidence semblaient  jaillis d’une séance d’improvisation au long cours où chaque élément posait question, se trouvait confronté à l’épreuve de la forme, en plein ou en creux. Quoi de la forme ou de l’usage a impulsé la création, la découpe ou le geste ? L’intitulé de l’exposition ne dit pas autre chose de façon poétique et ludique à la manière des artistes et poètes du « Nouveau Roman ». Pour  composer un ensemble d’une harmonie chorégraphique.

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Au fond, une vaste table « tapis » regorgeant de pièces, baguettes en bois, comme une invitation pour maquettes évolutives à hauteur d’enfant assis ou rampant que tout visiteur pouvait s’approprier. Une dispersion joyeuse à manipuler et à créer de façon ludique. La référence et l’hommage vibrant aux Spielgaben élaborés par Friedrich Fröbel palpitent sous les doigts à empiler, faire rouler déplacer bruyamment à l’infini toutes les multiples pièces en bois de ce vaste plateau comme une maquette urbaine.

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Une double postulation catalyse les objets de Laurence Lagier dont elle explore les infimes recoins et variations depuis le choix des mot aux extrémités des objets , grand écart dialogique aux confins de l’ultra quotidien et de l’épure-signe.

En écho contemplatif, sous le sème de la technicité scientifique, de grandes tables exposent sous verre des séries de dessins et autres modes d’emplois calqués sur d’improbables schémas techniques d’ustensiles familiers, aux descriptions comparatives  et hypothèses stratégiques burlesques ( objets investis d’un pouvoir scientifique, analyse dynamique du coton-tige…)

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Elaborations de nouveaux paradigmes comme cette famille recomposée de balais, de barres de pompier, de batons de majorette…

Ici, légèreté de l’éphémère et du matériau brut, nourrissant une pensée où art et recyclage se marient dans une réversibilité ludique et créative. Démontées, les parties deviennent alors des éléments singuliers enrichis de nouvelles possibilités accessoires poétiques. Boules, tubes, embouts, c’est le règne de la grande imbrication et d’un nouveau monde organisé par de nouvelles expériences.

Les objets articulent des formes et des volumes, ils communiquent entre eux comme des variateurs d’ajustements créant par ses intersections une sémiotique dynamique où formes et mouvements rêve l’éternelle réminiscence de l’effet papillon.

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En dialogue avec ces magnifiques aires de jeu, la question de l’impression et de l’investissement mural ne pouvait qu’occuper une surface propice à l’immersion, lumière intérieure des aplats monochromes de Fannette Mellier. Une réflexion conjuguée à la poétique de la fenêtre et du découpage, comme autant de frontières et de franchissements, comme autant de surprises, d’irruptions comme les stands de fêtes foraines. Interversion des têtes, les trous instaurent la possibilité de toutes les substitutions.

On peut aisément imaginer l’intérêt de Fannette Mellier , celle qui pour qui les phases de la lune criblées de cratères -cercles pour la poursuite du dialogue pongiste, celle qui questionne et remet le couvert inlassablement sur l’art de l’impression, et la question de la couleur. Familière de Laurence Lagier depuis les Arts Décoratifs de Strasbourg ( en 1998, elles ont déjà travaillé ensemble avec un objet imprimé sous l’égide du croisement des pratiques, intitulé Mix nous apprend le leaflet de l’exposition). Le ping pong à l’affiche, ce sera bien évidemment sous l’égide d’un diptyque permettant même un doublé , ce sera la quintessence de la texture « gaufrée » et des impacts-éclats de balle-bulle sur fond monochromes profonds- affiches recto verso intégrant les textures pongistes et tapis vertical de ping pong réversible

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A nouveaux supports, nouveaux matériaux à redécouper, peindre, modifier pour Laurence Lagier…et de nouvelles images possibles…Des panneaux comme des jeux de raquettes cibles, têtes aux contours anonymes, des cieux étoilés ou des eaux ensoleillées sous des quais d’asphaltes de caoutchoucs ..

 

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Stéphanie Moisdon Tremblay soulignait la qualité magique de Dominique Gonzales Foerster à « traduire la sensation d’une pluralité des mondes » au fil de son oeuvre, tous champs confondus.

C’est à cette particulière sensation à la fois précise et immersive à laquelle convie cette exposition-passage  au sein d’un lieu devenu le temps de son occupation  zône  de travaux ordinaires et zône de mostration artistique, flux entre la pose et l’exploration, zone de transit poétique des choses dont Laurence Lagier a pris le parti ..

« Echelles, cotons-tiges et autres, objets », Laurence Lagier, une exposition du Studio Fotokino..

http://laurencelagier.blogspot.fr (le site laurencelagier.com est en construction….forcément)

 

Le minimalisme – Christian Rosset & Jochen Gerner – collection La Petite Bédéthèque des savoirs – Le Lombard 

 

 

 

MODIFICATION(s), modes d’emploi (Tennis de cible)

PAYSAGES, si jamais opérer le passage …

A propos de Paysages Fantômes  : arpentées les limbes graphiques

Le studio marseillais FOTOKINO excelle depuis plusieurs années à investir, filer et retourner le topos du paysage, surface privilégiée de la relation plasticienne. Le paysage, thématique et pratique esthétique voire méditative chère à Paul Cox (dont nombre d’installations ont habité l’espace).

Leur dernière proposition au mois de mai 2017 convoque une génération de jeunes artistes , dans l’exploration d’une vision parallèle du paysage vécue comme expérience passerelle, comme épreuve limitrophe. Kevin Lucbert, Roméo Julien et Dans le Ciel tout va bien ont ainsi créé ou choisi dans leurs univers respectifs des ensembles graphiques traduisant leurs recherches aux frontières du réel.

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Le choix de la technique patiente et méticuleuse du stylo bille homogénéise la cohérence des recherches graphiques de Kevin LUCBERT, artiste vivant entre Berlin et Paris, Sa sélection issue de la série Blue Lines initiée en 2014 développe un ensemble de natures insolites, entre projections urbaines fantasmées et scènes naturelles surréalistes dont les textures se modifient dans une filiation souterraine d’ Escher,

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Cette tectonique mystérieuse et discrète, ouvre comme une échancrure sur le mystère du flottement, le secret de lévitation, la répétition et le clonage fonctionnent à plein comme révélateurs d’un absurde, tantôt poétique tantôt effarant, dans un récurrent jeu (infini ?)  d’emboitements, de mise en abyme ou de réversibilité déstabilisante. 

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La technique du trait n’est pas sans permettre un clin d’oeil indiciel à un autre auteur ( Victor Hussenot) dont les recherches arpentaient inlassablement les limites des lignes .Lucbert.jpg

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Les recherches graphiques au feutre bleu de Roméo Julien font instinctivement penser à des storyboards géants, l’univers narratologique de la BD en filigrane (Roméo Julien est cofondateur du FOFF à Angoulême). Comme il l’intitule pour une autre installation, ils apparaissent à la lisière de chantiers graphiques en cours, exhibant leur squelette en prémouvement…

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Des lignes de force, des formes géométriques suspendues , des personnages anonymes sans visages habitent ainsi les compositions comment autant de possibilités combinatoires narratives, autant de traits, autant de variations possibles, au gré de mutliples biffures qui barrent, corrigent, redirigent le regard, dans un ballet de (faux ?-mouvements

En écho, la série picturale « Spectres », larges compositions abstraites confrontant intensément en split screens, une binarité organique de masses bleues et déclinaisons rouges, dans un imaginaire d’hybridations multiples, où, comme dans une galerie labyrinthique de miroirs,  des personnages anonymes fusionnent avec des éléments géométriques décors…

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Le choix spécifique du support du post it érigé en manifeste, a tôt fait d’identifier et de caractériser Dans le Ciel tout va bien , comme un artiste dont le travail nomade a permis d’enrichir un réservoir d’épreuves frictionnelles casi photographiques d’archéologie climatologique.

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Un nom d’artiste comme un manifeste d’horizon : le regard tourné vers le ciel, l’observation contemplative comme stratégie de questionnement. Les post it s’exposent comme les prolongements fictif des Polaroids, ils s’imposent à la vision comme des instants naturels captés et captifs.. Leur nombre impressionnant ( une oeuvre-geste de plus de 1000 dessins comme le rapporte le leaflet de l’exposition) et leur format contraint orient une lecture casi photogrphique et documentaire  .Pirivlégiés, des miniatures de ciels changeants aux couleurs intenses à la limite de la transfiguration

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En un concentré, DLCTVB remotive l’illusion de l’art de l’instantané, la topologie de la forme carré (ou rectangulaire) cadre, structure de petits morceaux temporels comme autant de moments subtils émotifs, grâce à l’intensité et la composition de ses éléments

La contingence technique assimilée, les scènes inlassablement égrènent des surgissements climatiques, comme si des rituels animistes métamorphosaient le paysage : ciels contrastés, embrasements d’orages, éclairs cataclysmiques, nature galvanisée de soubresauts telluriques.. Même la dérive des glaciers arbore une étrangeté mutique inquiétante ..Les palettes chromatiques jouent sur des registres surprenants, conviant à des émotions de fins du monde..entre mélancolie romantique et science fiction.

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Débordant le confinement de la vignette, les scènes transpirent d’une énergie littéralement fantastique ..Apparaissent ponctuellement des motifs inédits qui se greffent comme sortis de nulle part – témoins suspendus dans le décor,  cercles lumineux irradiés, mi planètes inconnues, mi iris géant, porte d’outre monde…

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Certains ensembles ont une énergie narrative cosmique digne de minis bds d’anticipation.

Une dernière nouvelle série très colorée, enfin revêt une dimension enfantine qui n’est pas sans rappeller certains décors de Blex Bolex, dans cette composition très ludique comme les moules- panoplies à plats des jouets de figurines ou de décors. Dans une vision très particulière d’un monde qui littéralement se dé-forme.

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Le fantômatique à l’oeuvre dans ces explorations ne surgit pas tant des fictions souterraines palpables dans ces limbes graphiques que du renversement proprement fantastique : autrement dit, nous ne sommes pas les regardeurs mais ce sont bien ces visions qui nous regardent.

Les opuscules des trois artistes sont disponibles voire édités chez FOTOKINO et sur leur site.

PAYSAGES, si jamais opérer le passage …

Les petits systèmes « Dans le paysage tout va bien  » (1)

En 2008, le festival de Chaumont avait invité Paul Cox à investir la Chapelle des Jésuites qu’il avait métamorphosée pour une installation intitulée «  le Boulingrin d’Oncle Tob », immense table comme un décor de paysage valloné orné de routes, d’inscriptions cartographiques et de petites architectures. Utilisable comme un green de golf avec des petites balles à disposition des visiteurs… Tout était déjà un peu dans tout avec cette projection grandeur nature. Une carte monde en relief monochrome d’un vert absorbant tapissant le sol de la chapelle, cette puissance chromatique est devenu pour moi un signal déclencheur ..Un feu vert réminiscence en quelque sorte.

Au Signe, pour le lancement inaugural de leur nouvelle expérience en direction des jeunes publics, sur les outils de communication, le vert « green » devient le pivot chromatique signalétique matriciel somme rehaussé de ses composantes primaires, en un jeu sémiotique naturaliste intriquant lumière , végétal et bleu ambivalent entre ciel et liquide. Le paysage à l’oeuvre dans une de ses plus pures expressions.

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L’équipe de médiation du Signe, guidée par Catherine Di Sciullo, accueille l’artiste designer résidente Lucille Bataille pour proposer un parcours englobant «  Tout est dans Tout  » qui opère comme une vision inclusive et réversible d’un univers réservoir de transformations. Une formule à la limite du palindrome qui enchâsse plusieurs combinatoires de mises en miroir formel, pour créer autant de contacts, d’ouvertures, de possibilités. L’envers et l’endroit  ; le plein et le creux, l’ombre et la lumière. Les tampons, l’adhésif, la construction, la projection, le geste graphique Comme autant de modes de productions esthétique de signaux polysémiques, comme autant de passerelles entres modes d’écritures et abstraction. 

Le paysage comme référent pluriformel et hybride, comme écriture dont on interroge le dessin,(notamment au cours de conférences proposées par le collectif Structure Bâtons) comme une page géante où s’approprier plusieurs nouveaux dispositifs d’ateliers, l’interactivité tactile/numérique pour ligne d’horizon.

Incontournable pivot refuge de cet espace infini, une sorte de maison des Petits, où de jolis livres objets ont pris la place des gourmandises de la maison de l’ogresse. On y retrouve le merveilleux papillon mouvement de Fanette Mellier (Editions du Livre)

L »espace du Signe accueille une exposition territoire pour expérimenter la série inaugurale de boite graphiques d’artistes concue pour la nouvelle collection LES PETITS SPECIMENS, initiée par Catherine Disciullo Signés-Nicolas Aubert, Aurélien Débat, Patrick Lindsay, Sophie Cure, et Aurélien Farina, ces modules outils deviennent les supports d »appropriation pour les ateliers puis destinés à faire l’objet de partage inter institutionnels, à circuler.

Découverte des volumes,des proportions, des couleurs, des jeux d’impression, de l’impression « plasticienne », du cinétisme Pour unir les petits choses aux espèces d’espace.

Pour dessiner par terre- une aire de jeu ardoise géante au sol et ses accessoires multiformels , pour des dessins Playground géant support de l’atelier NORMOZOO..

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Lucille Bataille a imaginé de magnifuques formes normographes, objets harmonieux dont le trait peut épouser le contour comme les fentes astucieusement tracées dans le galbe ( je reviendrai sur l’enjeu associé au normographe dans la découverte du geste scripteur, ou plus précisément de l’appropriation alphabétique ). L’air n’est pas en reste qui accueille les sculptures « archi-mobiles »

Du côté de la couleur, des trames et de la lumiére, deux autres specimens ont été imaginés par deux membres de l’atelier VENTURE ( Marseille)  : Aurélien DEBAT ( les trames, c’est son dada ) et Patrick Lindsay. Les recherches graphiques d’Aurélien Débat explorent de façon privilégiée les trames, les superpositions, les rapports chromatiques, dans leur prévisibilité comme dans leur dérapages, leur part de surprise surprenante.

Il collabore réguliérement avec le studio Fotokino, a proposé l’année dernière une magnifique exposition pour le premier OPUS du festival liégeois Jungle.

Ses Tamponvilles ont remporté un franc succés, de magnifiques coffrets de jeux Tampons chantiers en bois viennent de sortir. Pour Chaumont, il a imaginé CMJ, un ensemble de planches de stickers monochromes ou tramés, à découper pour des collages et des superpositions libres.

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Enfin, une superbe réussite ingénieuse ( certainement dans son aspect spectaculaire) que ce chouette lumigraphe acidulé inventé par le studio LINDSAY

Tout y est – dans tout (donc)  : formes, proportions, couleurs, transparence,combinaisons tous azimuts, Et la simplicité rotative,la musicalité optique cyclique : au début était le disque. Pour son inventeur, Patrick Lindsay, la commande du Signe a prolongé ses premières expérimentations ludiques associées au disque..

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«  Ma copine utililisait un rétroprojecteur pour des ateliers de cinéma d’animation, cela me permettait de travailler les idées de superposition. L’idée de l’engrenage permet de cumuler des petites formes et d’initier des petites superpositions, notamment de trames. J’avais envie que cela tourne tout seul et que des choses se combinent de façon un peu magique, pour associer des couleurs, des effets. L’idée du puzzle, c’est pour rajouter encore des couches, pour démultiplier les possibilités. Enfin, la rotation permet d’avoir des surprises de façon simple dans le mouvement, cela permet de créer des trames de façon très simple, et de répertorier une quantité démultipliée de combinaisons en mouvement. Et surtout, cela permet de provoquer l’accident, « 

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Le Lumigraphe permet un cycle exploratoire complet : manipuler avec plaisir tous ces éléments variés, expérimenter la « construction » mécanique d’un petite machine, d’un petit système dont la mise en mouvement va enclencher une nouvelle opération ludique : la rétroprojection de tous ces systèmes planétaires sur un écran lumineux dans une sorte de mini spectacle magique d’art abstrait cinétique  immédiat, digne des premiers pas du cinéma expérimental .Du petit geste au grand mouvement…

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Ponctué d’ateliers thématiques, de conférences, de stages d’initiation à l’impression, d’initiation au code pour réaliser de petits films d’animation etc.

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Tout est dans tout se poursuit jusqu’au 2 avril 2017

Les petits systèmes « Dans le paysage tout va bien  » (1)

SIGNAL ETHIQUE DE LA DANSE DES MOTS

Pierre di Sciullo

Il dit les mots, il deale les mots

Holly soient les dires peints

Di Sciullo peint la bichro trouve sa typo

Pierre ou la prise de la cédille

larder la formule à coups de pinceau

larder le poète par des traits à l’eau.

etc.

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Dans le train pour Chaumont, le bleu saturé du ciel est traversé de vivants dessins. composition en perpétuelle mutation; les tracés d’avions modifient l’espace, délimitent un mystérieux empire des signes, cicatrices éphémères du temps. Image et mouvement, art graphique in process.

A trois enjambées de la gare, imposant comme un temple, toujours celui de l’Empire des Signes, le nouveau SIGNE, Centre nternational du graphisme sous la direction artistique du graphiste et collectionneur Vincent Perrotet, A l’arrivée d’ailleurs, il est là à l’extérieur, occupé à coller des affiches sur la façade.

La rétrospective magistrale nancéenne REGARDER initiée par le même Vincent Perrotet ( 450 affiches du fond de sa propre collection) donnait déjà un certain ton, proposant dans tout l’espace POIREL de déployer une installation modulaire de couleurs vives et de formes comme autant d’expressions d’actes de résistance graphiques. Littéralement, ce sont les images qui nous happaient.

Ici, un fond de 50 000 affiches. Et une exposition inaugurale de 300, « La Collection »qui s’offre comme un feu d’artifice- bouquet inaugural (métaphore botanique qui s’impose) panoramique de la diversité que le monde international de l’ affiche, comme expression esthétique, invite à découvrir. Une quinzaine de thématiques s’emparent d’autant de parois dont ils modifient l’architecture « Visages marqués » « Fait main », « le Rouge- un signe en soi », « la Condition féminine », »‘Dépliage et pliage »,. »La société de consommation ».Jubilation à reconnaître certains, plaisir de la révélation (Shigeo Fukuda, Felix Pfaffli, Henning Wagenbreth etc), le voyage est touffu de formes qui inscrivent l’affiche comme une matière d’expression libératrice du prêt à penser.

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Le beau lieu vibrant de promesses a un programme chargé d’ambitions mais sera-t-il aidé en cela dans son activité de fonctionnement et d’animation ? Si et seulement si les institutions s’engagent ce qui est un sujet sensible…

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2012, Aurillac, SUJET-VERBE-COMPLIMENT

Ce soir là, Pierre Di Sciullo, «  qui résiste  » aux mandales de l’espace quotidien par son engagement poétique, est  invité à prendre la parole devant un public aux questions affutées.majoritairement étudiant.

Signes de reconnaissance voire d’interpellation du nouveau performeur, ses préférences chromatiques souvent primaires, parfois assemblées en duo (lignes de forces verticales, lignes d’horizon-tales).. Ses slogans poéticopolitiques claquent dans l’espace public de leur typographie rythmique, dans des entrechocs d’aplats jaune rouge vif, vert mousse, bleu, noir.

Récemment décoré de l’ordre des Chevaliers des arts et des Lettres, Pierre DI Sciullo est un »héraut « discret dans la paysage du graphisme pour le public. Inventeur de dessins de lettres dont il imagine la plasticité voire l’étanchéité musicale, particuliérement sensible à son énonciation. Ill a créé certaines de ses typos en collaboration avec des spécialistes de la voix.

La typo parle, la typo cible, la typo peint…la sensorialité participe activement à l’élaboration de ces slogans  parfois fabriqués en deux temps trois mouvements, et deux couleurs franches. Formules peintes où le noir compense constrastivement les primaires. La typo habite l’espace de façon sculpturale, elle interpelle les passants de ses grands bras dansants.Avec Di Sciullo, place à la dramaturgie de la typo.

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Comme il ne pouvait que le faire, Pierre Di Sciullo a finalement détourné son thème initial de conférence . « Rater mieux » pour conjurer les mandales, chocs des images imposées, ou ponctuel choc esthétique.. Compilant ses carnets préparatoires, in via, s’interrogeant sur son processus de travail , devant des études préparatoires de plusieurs affiches, il tombe sur RATER MIEUX – clin d’oeil à Samuel Beckett ( dans »Cap au pire – « rater encore, rater mieux »- on laissa de côté le pire ) Au fil pratique de cette conférence, Pierre Di Sciullo dévoile l’envers du décor, l’intimité de ses carnets d’idées, tissés de notations techniques et pratiques, et d’arborescences verbales « calligrammes », Comme étude vagabonde de cas, visite guidée des réflexions écrite ou griffonnées relatives aux trois années où il a été le plasticien invité du Festival International de Théâtre de Rue d’Aurillac, un creuset éphémère d »énergie créatrice  à l’hybridation absolue des spectacles et des publics. Entre consignes techniques de sécurité indispensable , et listes calligrammiques compulsives, les idée foisonnent le long des lignes, celles de transport-créer une ligne d’incertitude aux noms de stations poétiques ..L’ombre de Queneau plane. L’anecdote cocasse des manches à air rayé comme support graphique dans une zône où le vent ne l’emporte pas, ferait bien un clin d’oeil lointain à la République des Vents d’Olivier Douzou. Finalement, l’ affichage se fera donc in situ dans l’urgence effervescente de l’instantané, en mode permutation quotidienne, celle qui appelle l’énergie non éolienne du renouvellement. Pierre performeur improvise les mots moteurs.

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«  DISCOURS TOUJOURS » « TECTONIQUE DES FLAQUES » Autant d’appels, autant d’insolites, au diapason de l’effervescence festive- avant que le mirage ne s’évapore demain.

En 2013, le « COURANT ALTERNATIF » l’emporte. En lieu et place d’une installation murale, pour cause de végétation , dans le quartier central des Carmes, des kiosques, et une signalétique accessible posée sur des structures de racks à vélos.

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Pour Aurillac 2014, EN ROUGE ET NOIR, la ligne de partage se fera au gré d’ un fil conducteur d’une dizaine de sucette Decaux.

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Ma préférée…Aurillac, 2014

Pierre Di Sciullo est admirable dans sa façon de respirer sa pratique. De façon casi synesthésique, ses lettres peintes, (plutôt que ses calligraphies) s’emparent de vous, chantent un espace en liberté, s’exposent comme autant de « commandos poétiques «  Car « la typographie, c’est un travail sur la poésie. Et que ce soit en couleur ou en noir, l’artiste le souligne « je suis un dessinateur de lettres qui voit tout en couleurs, je ressens leurs vibrations. »

Que ce soit l’ellipse hallucinante du Mémorial de Notre Dame de lorette, dans le Nord Pas de Calais, gageure immense d’y inscrire les 600 000 noms de soldats tués sur place à la guerre de 14-18 ou la signalétique du CND à Pantin, vigies lumineuses surplombant l’architecture dite « brutaliste » du lieu., ce que Pierre Di Sciullo dissémine, c’est de l’émotion signalétique, pour des identités sensibles.

Actualité Pierre Di Sciullo, le fruit de sa dernière résidence au Bel Ordinaire, à Pau, Typoéticatrac, les mots pour le faire sera programmée au printemps 2017

Actualité du Signe : A noter que la prochaine artiste graphiste en résidence intervenant Lucie Bataille (dont les recherches utilisent notamment les normographes) imaginera une proposition participative Nautour de la transmission des savoirs.

A propos de Vincent Perrotet, cette captation très intéressante de novembre 2015

NB : Tous les visuels d’Aurillac sont extraits du site QUI RESISTE de Pierre Di Sciullo

SIGNAL ETHIQUE DE LA DANSE DES MOTS

Frandisco : PSYCHO IN THE CITY

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Il y eut de la stupéfaction au premier contact avec FRANDISCO, aux confins du choc optique et de l’atterrissage de nuit, en pénétrant au dernier étage de la Fondation Vasarely. Une totalité-monde Babel de Pise spectaculaire gainée de cartons et scotch, où rien ne semblait laissé au hasard. Surplombé d’ un hélicoptère- drone et d’autres engins volants presqu’identifiés, un catalogue d’édifices-totems , concentré de monuments et de clins di’yeux architecturaux ( l’Atomium, la Fondation Vasarely, les tours de Manhattan…) s’entremêlent de façon compulsive comme une utopie de cité superlative rêvée. Dans un rêve de culture et de loisirs presque touristiques, piscine, musée, cathédrale, parc, chapiteau port équipé de paquebots côtoient des immeubles vivants de lumières, de balcons et d’ habitants. On n’omettra pas une usine à chicons singulière avec ses travailleurs. Animant le tout, une faune de personnages disséminés, promeneurs et animaux, sortes de poupées marionnettes hybridant Dubuffet et Paul Klee.

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Frandisco, à la référence affirmée s’expose comme une aérolithe insulaire jubilatoire dont les matières premières, se déploient pour s’agencer, s’assembler, puzzle expansionniste tentaculaire et inextinguible. L’atmosphère «  nocturne  » de l’installation de la Fondation nimbant l’ensemble du mystère d’une scénographie onirique, Dans une féérie de sapins de noël enguirlandée de leds, les bâtiments multiples se font écho, énigmatiques, pour mieux nous surprendre de ses petites saynètes.

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Aux murs, une série de paysages urbains, barres d’immeubles reliées de passerelles routières défilent comme autant de prises de vue changeantes du même fantasme futuriste . Un imaginaire de mégapole new-yorkaise  qui va se retrouver propulsé dans un récit de « science fiction » déjantée..

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Marcel Shmitz a commencé à peindre des centaines de toiles et sculpter avant de s’intéresser au volume. Agé de 55 ans, c’ est l’un des artistes parmi d’autres résidents mentalement déficients de la S Grand Atelier centre d’art engagé pour déficients mentaux à Vielsalm dans les Ardennes belges.  Marcel Schmitz fabrique un rêve ludique et complexe d’art estampillé brut, dont l’imaginaire s’affranchit de toute contrainte. Réminiscences de cet autre peintre démiurge fasciné par les mégapoles imaginaires, Marcel Storr, ou plus proche de nous des fresques de Mamadou Cissé et des maquettes urbaines fascinantes de l’ artiste congolais, Bodys Isek Kingelez. Un rêve de liberté qui va connaître un tour décisif littéralement « border lines », grâce à la rencontre d’un des fondateurs dessinateurs de la maison d’édition franco-belge FREMOK, Thierry Van Hasselt.

Free in Frandisco ou l’extension de domaine de l’art brut : Inside Marcell(ius)*

Quand Thierry Van Hasselt familier de la S,découvre les premiers bâtiments de Marcel Schmitz, l’anecdote raconte qu’il viendra un jour muni d’un simple «  rotring  »,pour entreprendre le portrait de la ville, puis, au fur et à mesure de cette relation naissante, la cité étrange se peuple des mots et des visions de son architecte, des créatures inssufflent une tonalité parodique à un nouveau roman graphique d’anticipation in process..Ou roman graphique d’émancipation devrait on dire. La rencontre du dessinateur et du peintre opérant une contamination réciproque, alimente une véritable geste spontanée en noir et blanc mais « haute en couleurs » au gré d’une succession de résidences et autres rencontres artistiques, rencontres prestigieuses comme la Galerie Agnés b.. La chronique évolutive se nourrit des périples du duo à Genève, à Charleville Mézières,,à Venise,puis culmine à la fondation Vasarely d’ Aix en Provence,à l’occasion du festival de BD, qui va fournir le prétexte climax à une mutation chromatique de la narration. La ville de carton, elle, dans le même temps, incorpore des bâtiments ou mises en situations nouveaux, sans oublier de rendre hommage à la fameuse cité polychrome du Bonheur.

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Dans le livre, les rituels de la vie quotidienne, se mêlent étroitement aux fantasmes, selon une dramaturgie toute carrolliene. Incipit anecdotique, un jour ordinaire à la S, Marcel déjeune, puis, de retour à son atelier, endosse un costume de tour, comme une pièce géante d’échiquier puis rétrécit pour devenir un «  habitant  » de sa ville. Puis c’est le voyage au gré d’hôtels, de chambres, de petits déjeuners au cours desquels font irruption d’étranges anges gardiens aux atours « religieux », des dessins géants flottants, qui inlassablement escortent ou surgissent de façon impromptus.

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La cité devient support d’un véritable univers parallèle à la science fiction drôlatique, traversée de véhicules, dessinés par Marcel, des personnages familiers  endossent plusieurs rôles, pour créer autant de tableaux vivants. Parfois Marcel semble planer au milieu de ce songe, libéré dans ce monde de lignes spontanées. frandisc1

Dans ce traitement biographique, il y a tout de Moëbius, quand il entreprend ses carnets «  INSIDE  » Il y a de l’autoportrait en filigrane comme si le duo était un super artiste unique à deux têtes, quand Thierry devient le medium de Marcel…I Greffe fantasmatique, le carnet de bord roman graphique fait de Frandisco une cité cathartique stupéfiante, flottant dans une dimension cinématographique onirique, bercée d’un imaginaire fellinien de suppôts cléricaux, de poupées enfantines, et de frites géantes.

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Titre manifeste, «  Libre à Frandisco  » nous invite à une traversée des apparences, par cette psyche d’une ville mentale, tantôt parodique, tantôt poétique, où le récit est finalement absorbé par le chromatisme lumineux de l’univers vasarelien.

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La cité de carton et la chronique papier entretiennent une relation miroir décalante dont le carnet de bord montre «  le grand envers blanc  «, comme le reflet de l’expérience commune humaine unique qui a bouleversé de façon durable l’existence des deux complices.

L ‘effet percutant de ces créations a promu une véritble émancipation, au travers de cette collaboration artistique et humaine en bougeant littéralement les lignes. Comme l’exprime de Anne- Françoise Rouche, directrice de la S, «  Frandisco nous emmène loin des chemins balisés, et nous pousse à adopter un autre point de vuesur la représentation du monde par un individu, qui malré le conditionnement de nos conventions d’exclusion, s’est réappoprié sa propre existence. « 

L’installation est actuellement installée à Bruxelles, à la Librairie Peinture Fraîche jusq’au 6 Août. »Free in Frandisco, FMK- La S, Thierry Van Hasselt, Marcel Schmitz, en librairie.

Frandisco : PSYCHO IN THE CITY

Cordes Sensibles

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J’ai découvert Victor Hussenot en feuilletant les Gris Colorés il y a deux ans à la librairie le « Monte en l’Air « ..Une chronique limite sans mot dire de microsituations urbaines dont les variations scénaristiques évoluent à température émotive chromatique. Aux confins du film à sketches réhaussé d’une aura presqu’almodovarienne entretenue par la gamme « chromothérapeutique » de couleurs vives. Les petits faits vrais stéréotypiques funambulent entre mal être contemporain, étourdissements, poésie mélancolique, comme à la recherche d’émotions primitives.

Plus dissert dans le propos, Les Spectateurs toujours sur un thème de civilisation urbaine, propose davantage une radiographie et une réflexion sur l’identité, la solitude moderne, en déclinant une palette tonale hybride à la Fernand Léger, plus aquarellée et plus constructiviste à la fois, ( je ne sais toujours pas pourquoi les personnages me font penser au robot-phare du Roi et l’Oiseau de Paul Grimault)

«  DRAWING NOW  » 

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Changement radical de cap, Victor Hussenot se revendique comme expérimentateur assidu, très inspiré par le modèle d’une contrainte volontaire, dans une influence primordiale oubapienne. Aux confins de la littérature enfantine et du dessin contemporain, sa dernière geste en deux périodes, déroule le fil de la rencontre de deux enfants, trajectoire initiatique et sentimentale.

«  Au pays des lignes  » et  » le chemin des souvenirs  » articulent un diptyque épuré, au diapason rythmique des pulsations d’un motif universel, au cours d’un voyage graphique qui déploie voire déplie des paysages aux dimensions mutantes comme autant d’expériences mentales, tel un mapping dessiné pour VR.  Les personnages lilliputiens y sont absorbés par ce qu’on imagine de leurs projections, espoirs, frustrations, quête. Au fil des planches, l’impression physique que les décors s’y métamorphosent de façon autonome. Ce trouble de la perte des repères, contamine, et répercute les sentiments des personnages en éveil. Les planches s’y succèdent pour s’entremêler en de vastes labyrinthes pièges optiques ou jeux de cache cache , parfois receleurs d’illusions. Parfaits playgrounds graphiques.

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Le pays des lignes a tout du territoire deleuzien comme expansion musicale poétique. On a envie tout à trac d’y convoquer les notions d’agencements, de nomadisme, de déteritorialisation, tant ces espaces modulaires mobilisent une «  cartographie du tendre » , métaphore de la pensée du devenir, entre plans suspensifs, et planches dynamiques de lignes-trajectoires. Les personnages minuscules tantôt sont vécus comme motifs indispensables à retrouver, eux même étourdis à considérer l’immensité environnante : on ne sait s’ils se mettent en mouvement dans le paysage ou s’ils configurent le paysage en mouvement autour d’eux. Le passage de l’enfance éprouve la mesure de cet apprentissage du point de vue, dans la quête ondulatoire de l’autre, entre ludisme complice et naissance du sentiment amoureux,  Le tracé comme un écho miroir du cheminement de la pensée, un écho familier des paysages griffonnés dans les interstices de l’attente ou de l’ennui, en marge, une marge source de prolifération infinie et dynamique. Un tracé qui découpe, divise, syncope parfois sillon mais parfois support, le tracé simulanément comme profil du doute ou doute du profil..

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Quête de l’autre et triangulation, celle qui divise puis organise peu à peu la modification du paysage qui dissout sa minéralité et sa végétation au profit d’une socialisation géométrique : régulation finale par l’ordre social et chromatique, avec une pirouette ouverte.

«  Regarde les hommes tomber « . Le chemin des souvenirs »annonce la couleur d’emblée, celle d’une quête réminiscente cahotique du leitmotiv de l’autre à l’intérieur d’un’ paysage désarticulé, mais aussi, par le filtre d’aplats aquarellés de couleurs, une mixité technique renvoyant au palimpseste hétérogène de la mémoire. Victor Hussenot signale dans diverses interviews des influences marquantes scénaristiques dans le droit fil de Philémon, et de Chris Ware, par leur onirisme halluciné ou la propension anxiogène par la fragmentation et la dissémination de soi dans des agencements et des paysages multidimensionnels,  Ici d’avantage d’arborescence et et de circulation de flux graphiques en guise de paysages dont l’ extrapolation mouvante /mobile déroule le cheminement escarpé du petit héros . Dans sa quête, deux modes de progession, la dissémination de soi dans l’espace narratif et une forte inclination à la léthargie voire l’hypnose, où le paysage prend le contrôle amniotique de la situation.Le paysage continue d’ agir comme un catalyseur de situations. Pléthorique, accidenté, anguleux, ou marin, immersif. La mémoire, y emprunte ( et empreinte) nécessairement des viaducs, escalade des courbes de températures géologiques, elle procède par paliers. A ripper de régime, elle sombre dans une infusion , à tester sa solubilité voire sa « solution » …

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Elle est là la puissance imaginative. Victor Hussenot, lui, avoue simplement que ses traits minimalistes, en bleu et rouge, » ça fonctionne ». Nous y cherchons une arborescence organique médicale, que contamine, comme une réminiscence, un ectoplasme géant, étale comme une divination au marc de café. La lecture propose une succession de plans séquence dont l’horizontalité n’a de cesse de varier d’inclinations, en un mouvement de conversion progressif qui semble explorer l’intégralité du paradigme « rester vertical ». La chute, permet de passer de la pesanteur (gravité) à la profondeur, Un effet d’optique récurrent affecte le travail des lignes…La profondeur, et par extension, celle du champ, y est figurée par le leitmotiv de la chute  Ce paysage n’est jamais la garantie d’une stabilité, il est perpétuelle mutation ininterrompue, en expansion, dissimulant des parois secrètes amovibles des effractions graphiques comme autant de hiatus narratifs .Hybridation d’un nouveau genre entre les niveaux initiatiques d’un jeu vidéo et les déambulations d’un Philémon, au pays de l’idée  des paysages pénétrables de Paul Cox..

Les péripéties ne se départissent pas d’un certain humour attachant quand la caverne s’avère être l’antre d’une chiromancienne, dont l’art divinatoire suscite un lâcher prise radical inversant les perspectives..La chute libre (enfin libérée) impulse littéralement la voltige vers une narrativité rebondissante, où le passage des seuils puis des cases s’accélère vers un final… multicolore. Bref,  rassurez vous ou plutôt réjouissez vous, ce sont bien des livres d’enfants…

Victor Hussenot sera présent lors du FESTIVAL BD6Né 2016 du  10 au 12 Juin 

Rencontre-dédicace le 11 JUIN de 14 à 17h- Médiathèque Marguerite Duras, Paris 20éme.

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Les livres libres de la JUNGLE

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Visuel Vincent Mathy

Générosité.. C’est l’impression spontanée qui jaillit à qualifier l’esprit qui a irrigué la jubilatoire première édition du festival JUNGLE, consacré à la Littérature Jeunesse et à l’Image contemporaine à Liège ce long week end dernier du 22 au 24 avril. Une première «  chatouille  » locale (selon le leitmotiv de l’un de ses organisateurs Vincent Mathy) à titre de laboratoire. Surtout une gourmandise de festival, identifiée par la qualité de son contenu éditorial, avec des personnalités aussi éclectiques que Chris Haughton, le collectif ARTICHO, Anne Brugni (dont le premier livre BONJOUR est promis au rang d’ ouvrage culte dans les décennies à venir), Victor Hussenot, Aurélien Débat, Delphine Bournay, ATAK des figures de l’Edition jeunesse comme Brigitte Morel (les Editions des Grandes Personnes), sans oublier la découverte de l’édition norvégienne avec Magikon Forlag. On y entendit beaucoup parler d’échanges, de manipulation, d’images comme autant d’expériences sensorielles, d’impressions toujours surprenantes, du «  dessin  » d’apprentissage, somme toute.

L’organisateur, Vincent Mathy est reconnu depuis deux décennies ( je l’ai découvert lors de sa création d’affiches pour le Festival Cinéjunior94, ) en tant qu’auteur jeunesse à l’univers«  rétro», mais aussi en tant que figure active, au sein d’une génération d’auteurs- illustrateurs inépuisablement tournée vers l’exploration des arts graphiques dans leur rapport à l’enfance, ou l’apprentissage du regard affranchi…Initier du nouveau, de la rencontre, de l’échange, de l’interaction, autour de l’image et de son appropriation, de sa dynamique plasticienne, telle était la perception d’une manifestation aux expositions d’une qualité éditoriale réjouissante, aux propositions participatives ludiques.

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Centre Culturel Les Chiroux, Aurélien Débar

Les lieux, le Centre Culturel des Chiroux, le magnifique Centre d’Art, accueillant un panorama norvégien, un focus sur l’immense Fredun Shapur et un premier étage dévolu à la collection notamment « pop up » de Michel Defourmy , la chouette librairie Livres aux Trésors, favorisaient dans leur distribution topographique une déambulation stimulante , ponctuée d’ateliers indoor et de rue. Un terrain enthousiaste propice pour imaginer des propositions futures combinatoires sans les contraintes économiques des salons actuels…

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Centre d’Art, Fredun Shapur
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Atelier Anne Brugni

Des temps forts, comme la boum de l’Articho, la présentation de son travail par l’irlandais cosmopolite Chris Haughton véritable showman charismatique espiègle, ponctuèrent de façon légère et harmonieuse cette véritable parenthèse un peu enchantée à la découverte  » d’images d’ailleurs  ».

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Chris Haughton, « I loved drawings accidents »

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Des découvertes ou des confirmations , comme les recherches artistiques de Victor Hussenot, ou  d’Aurélien Débat ( déjà aperçu chez Fotokino) qui explore l’imaginaire architectural, et initie des chantiers de construction grandeur nature, avec des matériaux génériques sérigraphies,des ateliers pour enfants, des interactions étudiantes et professionnelles, Jungle fonctionnait presque telle une aire de jeu modulaire.

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Victor Hussenot, le monde des Lignes

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Cabanes, Aurélien Débat

Jungle, un espace labyrinthique  ouvert évocateur d’un foisonnement dont Vincent Mathy souhaiterait imaginer des perspectives tentaculaires, ici ou ailleurs  ? Dans l’esprit selon lui de rencontres comme le festival  international des petits éditeurs Tabook, à Tàbôr (Bohême du Sud, ça ne s’invente pas)

Une première réussie grâce au concours dynamique des volontés les plus créatives, des personnalités les plus affranchies en matière de regard sur l’image et de regard sur la «  jeunesse  ».

Festival Jungle, un projet initié par le collectif Tapage asbl.

Ecouter les chouettes interviews de RADIO GRAND PAPIER

ATTENTION : les expositions se poursuivent jusqu’au 21 Mai 2016 , et Liège vaut le détour ^^

 

Les livres libres de la JUNGLE

CAR ACT/ AIRES LIBRES*

 

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(*clin d’oeil au manifeste de Yann Owens accompagnant l’abécédaire- objet Pangramme édité par les éditions d’art Franciscopolis)

Depuis plusieurs années, le travail graphique de Fanette MELLIER explore les relations plasticiennes et « ontologiques »(comme elle le souligne elle même) entre  le signe et le support.  Je l’ai découverte, à la faveur de l’inauguration de l’espace librairie galerie des Trois Ourses ( et leur petite école), où elle présentait un panorama de ses différents travaux. A l’époque, je suis attirée par ses recherches typographiques très personnelles, son usage de la couleur, ainsi que leur inscription, soit littéralement au coeur matière du livre, ou aux confins de l’espace public, quand il devient le lieu de trajectoires ludiques…Que ce soit par le biais de l’affiche (ou des supports comme le verre), le téléscopage de tons francs et contrastés associés à l’usage de formes simples, de formes rendues presque primitives, promeut notamment la lettre au rang d’objet « iconiques » comme sculpture design à part entière, tendant ainsi à de nouveaux imaginaires, aux sources d’un nouveau langage mutant et ludique (dans le droit fil d’ « Alphabétiquement », le mince livret édité en 2011 par Corraini, galerie de lettres « portraits », flottant comme de petites sculptures musicales suspendues entre formes jouets et pièces articulant une nouvelle énigme, un nouveau langage à déchiffrer)

Ses collaborations reflètent son attachement au support d’impression en tant que matière et texture, le texte s’y inscrit ou se révèle selon ces rapports; comme un effet historique de spacialisation de la page, la temporalité technique et humaine de l’édition  en filigrane…Le compagnonnage du duo des Editions du Livre ( à Strasbourg) lui inspirera un duel décalé de deux magnifiques livres épurés folioscope carrés; « Dans la lune » en 2013, dans le prolongement d’un exposition monumentale au Tinqueux, y explore les variations d’une cycle lunaire selon le ballet magique de 8 encres différentes. un astre lunaire à la blancheur croissante évolutive, révèle sa part d’ombre par un jeu d’effeuillage texturé. Au soleil, en 2015, décline, selon un cycle solaire journalier, les nuances sensorielles des halos du soleil, du « bleu matinal au pourpre du couchant », dans une célébration chromatique du rayonnement de la lumière. A moins d’un hommage poétique à la lumière de la couleur

Un an de résidence à la villa Médicis, et de  multiples collaborations, autour de l’écrit (littéraire ou en presse comme le hors série sur Sonia Delaunay), Fanette Mellier propose pour les Arts Déco de Paris, pour l’exposition collective REPLAY, une installation bi-frons , matérialisant littéralement l’en-jeu artistique, dans la mise en regard, côte à côte (avec des circonflexes) de deux flippers géants en bois, présentant l’ensemble de ses travaux, personnels et de commande.

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Exposition Regarder, Galerie Poirel, Nancy, 2015
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Une saison graphique, fameuse manifestation  havraise, lui permet deux années consécutives de déployer ses expérimentations monumentales en hommage poétique vibrant à l’impression,comme savoir faire pluriel et comme temps de la création. Le Papillon imprimeur géant, continent vertical de couleurs vives fête la couleur, comme puissance formelle immersive; le projet extensif Pangramme déploie, lui, non seulement, le matériau mobile de « jeux » de mots combinatoire ad libitum, une figure de style aleph de mille textures et procédures d’impression, mais au coeur formel de ce nouveau code, sa reduplication symbolique. Pangramme cristallise une relation de partage et de transmission, l’idée collaborative de l’expérience artistique, dans le choix de ses multiples possibles imprimés, industriels ou artisanaux.

Le texte de présentation sur le site de Fannette Mellier est d’une clarté descriptive  jubilatoire. Ici l’enjeu central des techniques d’impression s’affirme comme partie intégrante de la pensée de l’objet artistique, pour son créateur comme pour son expérimentateur.

« Cette exposition a été conçue comme un véritable atelier de composition typographique .La grande casse en chêne sert d’espace de rangement et la monstration pour les lettres. et les composteurs aimantés permettent de composer des mots. imprimé dans un noir et blanc pailleté, fait office d’affiche pour l’exposition.. Chaque lettre de cet alphabet anti-Unicode a été imprimée à 1000 exemplaires, par un imprimeur différent ou un partenaire de jeu (Art et Caractère, Lézard graphique, Fotokino, etc.).. Les techniques et les lieux de production des lettres sont variés. Pour certaines lettres, l’impression à 1000 exemplaires a représenté un défi (le H réalisé en aquatinte à l’École d’art du Havre) ; alors que d’autres lettres se sont inscrites dans le processus mainstream de fournisseurs en ligne (par exemple, le G matérialisé par un dépliant A5 standard). Imprimée recto / verso ou comprenant plusieurs pages, plié à un objet graphique spécifique, familier ou non. Le design a été contraint par l’économie du projet, en terme de format et de mode d’impression. La marge constante de 13 mm constitue un dénominateur commun fantaisiste ! La vibration du E est matérialisée par l’impression lenticulaire, les jambages redondants du M fluctuent en fonction du dégradé machine. La multiplicité des supports a exigé une attention décuplée en terme de suivi technique et de gestion économique. L’attention nécessaire à l’émergence d’un objet graphique a été ici multipliée par 26 ! Cet aspect est aussi constitutif de sa dimension expérimentale.

Un pangramme, écrit par Vincent Vauchez, a été affiché dans la vitrine de la galerie :

Alors que les zéphyrs nouveaux fourrageaient jardins et campagnes, elle, yéyé beatnik, dansait son twist noir« 

A travers cette exposition, mon idée est de renverser l’échelle des mots, ici, c’est le mot qui contient les objets. une grammaire potentielle, questionnant de façon poétique, de façon ontologique et ludique la notion de document imprimé.
« 

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Saison Graphique, Le Havre, 2014
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Exposition « Les joueurs », Le Pavillon blanc, Colomers copyr.Fanette Mellier

A chaque fois, au coeur éthique de sa pratique bruissante, un approfondissement plastique voire philosophique de la temporalité, l’impression comme écriture d’un geste ou répétition mécanique. A l’heure de la « réalité augmentée », ce postulat viscéral englobant, conferre à ses objets graphiques des pouvoirs « magiques ». Comme pour la Saison Graphique, pour l’expo des Joueurs, la casse géante et les composteurs suscitent l’appropriation inventive d’un réservoir de signes,  casier de Pandore aux formules incantatoires mille fois interactive- l’espace de l’exposition un playground revisité autorisant les slogans libertaires sur le mur.

Dans le prolongement domestique de cette aire de jeu  « performative « in progress, les Editions FRANSISCOPOLIS ont édité une version de grande poche A4, comme un jeu de cartes géant, non pas de 7 familles mais d’abécédaires composites de 26 lettres tous originels puisque certaines lettres sont chacune artisanale.  Chaque détenteur devient le récipiendaire d’une histoire comme un secret original et d’un Pangramme-signature unique.

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Enchâssement combinatoire at home, mobile calderien on the wall, accrochage pour soi, le jeu est accompagné d’une notice-manifeste, intitulée « Caractère libres », rappelant la perspective dialectique de ces objets de la pensée à la forme, dans une évocation poétique de la technique selon « le parti pris des choses ».   Dans un jeu d’allers retour entre la pratique grandeur nature et la version maquette, les caractères mystérieux isolés de Pangramme se tiennent au carrefour de ces mondes dessinés que sont les HIRAGANA et des sculptures alphabétiques « à emporter  » de Paul Cox.

 – Exposition les Joueurs, jusqu’au 14 mai 2016, Pavillon Blanc, Colomiers.

– Coffret PANGRAMME édité chez les Editions Fransiscopolis.

CAR ACT/ AIRES LIBRES*

J’aime…Emmanuelle Bastien

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Emmanuelle Bastien

J’ai rencontré Emmanuelle Bastien,  voici quelques années, lorsque je réfléchissais à une seconde session de Récréations.Elle expérimentait beaucoup sur les « fabriques à histoires interactives »..Je l’ai suivie de loin,participant à de chouettes  festivals comme  Belas Artes (2012), puis, plusieurs livres plus loin, je la retrouve pour la sortie de son nouvel opus graphique, à l’usage prétexte des petits : J’aime (édité chez L’Agrume ). qui, sous ses airs de petites déclarations sensorielles , propose un objet palpitant d’imaginaire.

Ce petit fascicule cartonné rouge tentation a tout pour plaire pour les petites mains et recèle des surprises inventives visuelles et tactiles. Autour de la déclinaison mignonne du trou, les pages monochromes aux aplats vifs se succèdent et se superposent comme autant de tableaux-braille (d’un nouveau genre) associés à des souvenirs et des sensations à hauteur d’enfant. Convocations sensorielles, invitation ludique; glissant vers une perception évolutive et réminicente des choses, et extrayant « J’aime »  du lot pléthorique de livres carrés pour (petits) enfants.
«J’aime» est à la fois un manifeste, et une invitation à découvrir, une suite de petits moments, voire de «petits faits vrais» cristallisés dans un minimalisme «pointilliste» et combinatoire, comme autant de points de vue de la lorgnette, et de constructions abstraites, de jeux de lumière…
Avec «J’aime», on est aux confins des recherches de Katsumi Komagata, d’une certaine vision de l’imagier ( dans son rapport au mot, presque dans le droit fil d’un Blexbolex, avec ses Saisons,tout est dans le rapport), ou enfin de livres objets comme les carnets des Editions du Livre (qui eux même postulent la dimension exploratoire des «  livres tactiles  » de Munari).

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(En marge du dernier Salon du Livre de Montreuil 2015 )
Comment est née l’idée de « J’aime  »  ?
Il y a la rencontre avec Katsumi Komagata avec lequel j’ai initié un projet de livre tactile pour enfants déficients visuels, lors d’un workshop à EnsAD (Arts Décoratifs de Paris) en 2012, «J’aime» n’est pas ce projet de livre tactile, pourtant il a pris forme, aussi, à ce moment.
Pour l’anecdote, il y a, à l’atelier de gravure de EnsAD, une grosse boîte d’emportes-pièces ronds de différents diamètres. Lorsque je l’ai découverte, j’ai essayé méthodiquement chaque poinçon. L’idée de faire de quelques ronds une image légendée : des tomates, des bonbons, des billes etc., en jouant sur les couleurs me trottait déjà dans la tête. Mais avec les trous j’ai pu aller plus loin. J’ai donc réalisé rapidement une petite maquette de papier avec les emportes-pièces, «J’aime» était né !
Mais mon projet initial n’était pas un album tout-carton – c’est une proposition de Guillaume Griffon et Chloé Marquaire, les éditeurs de L’Agrume – la forme actuelle accentue beaucoup ce côté tactile et invite même à passer les petits doigts dans les trous.

Comment se sont articulés forme (enfin trou) et texte  ?
Les images viennent directement des couleurs des ronds et de leurs tailles. À cause des pages percées, elles vont par paires d’une face à l’autre. Des petits pois, en rouge ce serait des groseilles. En violet ? Des myrtilles etc.
Les mots révèlent les images, ce sont eux qui les donnent à voir.
Beaucoup de choses sont rondes, les idées ne manquaient pas. La difficulté de «J’aime» résidait dans l’enchaînement des pages et leurs superpositions. Mais le ciment, c’est le titre, je crois. C’est ce qui relie toutes ces images disparates.

Lorsque je t’ai rencontrée pour la première fois, c’était à l’époque de tes Fabriques à histoires» Le rapport entre le volume, des accessoires supports et la narration…D’ailleurs ton précédent coffret chez l’Agrume, «Bonhomme, et pluie, et pluie» en est la version aboutie..
Tu es donc toujours dans la recherche du livre comme objet…
Dans l’album tout fait sens, texte, images et support interagissent. J’aime questionner l’objet livre et son utilisation en tant que matériau narratif : son papier, son format, sa reliure, comment les histoires s’y déroulent-elles ? Je propose des expériences de lectures (plaisir ludique de la manipulation, lecture partagée…) et essaie de laisser de la place à l’imagination. Le livre est, pour moi, un terrain d’expérimentation et de jeu.

 Le titre en lui même vaut le détour. A mi chemin entre la déclaration et le second degré (quand on sait que tu n’es pas sur FB), sa posture intransitive, l’amour est viscéral dans cet objet puisqu’il conditionne tout le développement, la découverte des sensations. Comme un au delà de l’imagier…(qui me fait un peu penser à un livre très différent formellement , BONJOUR de Anne BRUGNI..)
Pour le titre, tu en fais une belle analyse, je n’avais pas vu tout ça.
Je crois que j’ai choisi ce titre pour que des gens que je ne connais pas écrivent un jour sur un moteur de recherche « j’aime emmanuelle bastien » !

Quels sont tes projets, ou du moins, tes prochaines envies d’édition  ?
Il y a «110 boulevard de la Villette», un livre d’artiste réalisé entièrement en sérigraphie, qui devrait paraitre en album si l’on surmonte certains problèmes de fabrication. Il y a aussi un jeu de construction, en lien avec ce livre (mais on sort un peu du domaine de l’édition de livres).
Et aussi ce projet de livre tactile pour déficients visuels que j’aimerai beaucoup voir aboutir avec Les doigts qui rêvent.

État