Frandisco ou l’accomplissement d’un rêve.
Expérience d’une rêverie urbaine éveillée, qui se déplie sans cesse, Frandisco est un long voyage dans l’espace et dans le temps. Une conquête d’art-chipels (d’art-chapelles?) et un voyage intérieur. Frandisco, sous l’impulsion de son créateur Marcel Schmitz, artiste de la S Grand Atelier, grossit, se transforme et se déforme comme une station planétaire spéciale, comme un véritable château dans le ciel , n’était le pouvoir encore non atteint de planer- ce dont la biographie rêvée se charge en grande partie.
Frandisco est une ville champignon de scotch et de carton, traversée et habitée de figurines de papier mâchées humanoides et animales. Son expansion a des apparences trompeusement foutraques, ses matériaux hybrides de cartons, de posca, de broderies, de collages célèbrent à la fois l’artfusion organique de l’ »everything »et la fascination démiurgique de la reconstitution, et de la réinterprétation, au cœur de toute maquette. Frandisco, réunit l’infiniment familier à l’étrangeté la plus libérée, entre totale impro et total control.
Outre la dimension emblématique de cette expérience humaine affranchie, comme le restituent tous les autres témoignages de presse, cette mise en situation fonctionne presque à l’instar d’une installation de Thomas Hischorn (excepté la dimension participative), à savoir que son temps et son lieu s’articulent comme une vaste abolition des repères (institutionnels entre autres) en lui substituant cette zone utopique, ce domaine possible du libre échange.
Frandisco réussit à nous transporter dans un récit architectural poétique et protéiforme d’aventures biographiques non loin des gestes picaresques. Rejoignant par là, et par le filtre de la voix et du dessin de son biographe Thierry Van Hasselt, le grand Imaginaire des récits
En 2017, le journal biographique « Vivre à Frandisco » a reçu une double consécration : en Sélection Officielle au fes tival d’Angoulême, et l’Atomium décerné par la fondation Wallonie-Bruxelles. Compagnon biographe complice depuis le début de leur rencontre à la S Grand Atelier,voici 5 ans, l’auteur-éditeur résistant des Editions FREMOK, Thierry Van Hasselt docu-mente et rêve le rêve qui s’affranchit des perspectives…Parfois il relance la narration à la gasoline de l’occasion, pour toucher, sous le traitement du trait, à l’en deça du décor. Le dessin est aussi un prétexte à un 4 mains, les créatures « expressionnistes » ( pourrait on presque dire ) dessinées par Marcel animant leurs scènes.
Après son inauguration à la Fondation Vasarely à Aix en Provence, puis Bruxelles (au Brass ou au musée Art et Marges dernièrement) , Paris et la Galerie Agnés B, exposé à l’incontournable Festival d’Angoulême en 2017, Frandisco se lovait en résidence, grâce au collectionneur d’art brut renommé, Bruno Decharme, non loin du Vercors et ses coteaux dorés au flamboiement du soleil couchant, pendant les dernières vacances de la Toussaint. Car, au creux d’une petit vallée, Hauterive abrite un autre rêve mystique – monde déchainé de moulures et de créatures possédées, ou de pèlerins, bâti des nuits durant par un arpenteur possédé par l’Idée-monde totalisante et édifiante.
Edifié à l’heure où l’on découvrait simultanément les ruines d’Angkor, où les surréalistes convoquaient les hallucinations, où la modernité épousait les méandres organiques de la Sagrada Familia (dont l’édification commence en 1882 ), voici le Palais fantastique du Facteur Cheval, façonné et moulé aux sources des panthéons démiurgiques les plus disparates, bâtiment irrigué par des mythologies contemporaines, simultanément soutenu en filigrane par des héros séculaires et dévoré de saynettes tantôt religieuses tantôt fantasmatiques.
Quand un rêveur superlatif, plonge dans le rêve architectural d’un autre allumé céleste.
A mon passage furtif, la structure initiale occupe déjà un quartier entier de la cité actuelle, comme une plateforme de l’espace, que Thierry fait transporter sur le dos de Marcel.. La Maison et le monde, toujours…la terrasse médiane où très vite, les statues monumentales se convertissent en gardiens monstres, le temple s’ornemente d’arabesques de marqueurs et de scotches colorés. Thierry, lui observe, ou crée des situations et inv/cite Marcel à poser au milieu de son univers. Postures contemplatives ou exploration nocturne aux chandelles. En parallèle, le rythme de la résidence ondule au gré des visites guidées, protocole initiatique où Thierry Van Hasselt guide les visiteurs inside Frandisco (et surtout inside Marcel) en révélant avec une certaine truculence les secrets des édifices et de l’urbanisme fonctionnel où la circulation – liquide- fait se fusionner plaisir , rituels quotidiens, et prière. Certains bâtiments font presqu’un clin d’oeil à l’univers ludique multifonctionnel de Jacques Tati. La logique de Marcel nous tai penser au « testament de M Pump’. Ainsi du tunnel relie ainsi une piscine à l’église, La ville est un immense opérateur magique et réversible de conversion, à la fois à la mesure des signes du quotidien de Marcel, et de la collection exponentielle de monuments architecturaux..Où chaque personnage, travesti par un uniforme, joue au carrefour du repère social et de sa dérision, dans un rythme casi fellinien.
Pour la suite du voyage, Marcel rêve depuis toujours de New york , Thierry rêve encore de cette enclave danoise, Kristiana bohême affranchie du consumérisme, en plein coeur de Copenhague, A quand Frandisco et le temple de Meenakshi à Madurai, ou les tours Nuages de Nanterre avec ses yeux-hublots ?
Et tandis qu’une équipe de tournage belge achève le montage d’une docufiction ,produite par la boite de production historique Zorobabel, autour de cette « île fantastique », Frandisco reloaded avec le nouveau Palais du Facteur Cheval atterrira en mai 2018 à Rennes, tandis qu’en mars 2018 sort une seconde édition AUGMENTEE de Vivre à Frandisco, enrichie d’une vingtaine de pages de notes, une biographie historique voire des chansons de Marcel.